Hépatite C : les associations interpellent la ministre de la Santé
Plusieurs associations et collectifs de patients interpellent la ministre de la Santé sur l’accès aux traitements contre l’hépatiteC. Dans une lettre ouverte, ils demandent un accès pour tous les malades aux nouveaux traitements, extrêmement chers et très efficaces. Du fait de leur coût, ces médicaments sont aujourd’hui réservés aux cas les plus avancés.
Les nouveaux traitements de l'hépatite C sont très efficaces mais leur coût est tel qu'ils sont réservés aux cas les plus graves.
La prise en charge des patients atteints d’hépatite C a été bouleversée grâce aux antiviraux d’action directe (AAD). Avec ces médicaments, les taux de guérison dépassent allègrement les 90 % et les nouvelles associations devraient permettre d’épargner les effets secondaires les plus pénibles de la prise en charge. Mais le prix demandés par les laboratoires pour ces médicaments ont conduit les autorités à restreindre leur accès aux cas les plus avancés.Un médicament vendu plus de 40 000 euros par personneLe prix de ces nouveaux médicaments (dont le premier a été le sofosbuvir développé par le laboratoir Gilead) a fait l’objet de longues discussions entre les industriels et les autorités de santé. Au terme des négociations, le ministère de la Santé annonçait en novembre 2014 avoir trouvé un accord sur le prix du
Sovaldi®, qui sera vendu à 41 000 euros par personne (contre 56 000 euros demandés jusqu’alors par le labo).Présenté comme un accord gagnant-gagnant, cette annonce avait été vivement critiquée par les associations qui avaient rappelé que le même traitement était vendu 705 euros au Brésil et que les restrictions de prescription définies par la Haute Autorité de Santé allaient les réserver aux cas les plus graves. “Les autres cas devront donc se passer de traitement innovant, en attendant que leur situation ne s’aggrave et au risque que l’épidémie continue à se répandre. Ce sera aux médecins eux-mêmes de faire la police de l’accès à l’innovation !!!“ s’insurgeait alors le collectif interassociatif sur la santé (Ciss). Notons cependant qu’en dehors de l’Allemagne, le cadre de prescription est
encore plus restrictif chez nos voisins européens (Angleterre, Espagne, Autriche, Pays-Bas…).D’autres AAD devraient très prochainement arriver sur le marché avec des prix similaires.Les associations demandent un accès aux AAD pour tous les patientsLes mêmes collectifs (Ciss, CHV, TRT-5) et associations (Aides, Comede, Médecins du monde, SOS hépatites Fédération) adressent aujourd’hui une lettre ouverte à la ministre reprenant les mêmes arguments. Ils regrettent que les recommandations du premier rapport d’experts sur les hépatites virales aient été écartées au bénéfice d’une prescription de ces nouveaux médicaments aux seuls stades avancés de la maladie, dans le cadre d’une Réunion de Concertation Pluridisciplinaires (RCP)…“Autant de barrières à l’accès qui ne sont pas motivées par des raisons médicales mais bien à cause du coût de ces traitements. Malgré des mesures correctrices introduites dans le plan de financement de la sécurité sociale en 2015, les prix de ces médicaments sont à l’origine de d’importantes discriminations et stigmatisations. On a aujourd’hui les moyens de traiter les malades, d’endiguer et peut-être même d’éliminer une épidémie d’hépatite C, mais on ne met pas en place les conditions pour le faire“ s’indigne le Dr Jean-François Corty de Médecins du monde.Imposer les génériques grâce à l’accord ADPIC ?Afin d’élargir le nombre de patients pouvant être traités “quel que soit leur stade de fibrose, en accord avec toutes les recommandations d’experts“, les associations demandent que soit discutée une “importante renégociation à la baisse des prix de ces traitements“ et un changement des conditions de prescription (vers un élargissement à terme vers des médecins non spécialistes sachant que ces médicaments ont très peu d’effets secondaires) dans le cadre d’une nouvelle stratégie nationale de lutte contre l’hépatite C.“La France peut recourir à une licence d’office, un procédé rendu possible dans le cadre de l’accord international sur les droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC), dès l’instant qu’elle estime devoir faire face à une menace sanitaire et que les prix demandés par les producteurs ne peuvent être supportés par notre système d’assurance maladie“ souligne le Dr Corty. Cette disposition prévue dans le code de la propriété intellectuelle français permettrait de recourir à des génériques de sofosbuvir, ledipasvir et daclatasvir vendus à des prix au moins 40 fois inférieurs. Une
demande qui avait été faite à la ministre en septembre dernier…Des restrictions de prescription motivées par le prix des médicamentsA l’époque le laboratoire Gilead Sciences, Inc. avait rappelé que la société avait signé des accords de licence non exclusive avec des fabricants de médicaments génériques indiens pour étendre l’accès à ses médicaments dans 91 pays en développement, où vivent plus de 100 millions de personnes contaminées par le virus de l’hépatite C. Mais selon le Dr Corty, “ce type d’accord ne permet pas de traiter l’ensemble des patients des pays pauvres et ne concerne pas les pays à revenus plus élevés qui, faute de remettre en question les prix demandés, sont contraints de mettre en place des conditions de rationnement pour un médicament payé 41 000 euros et dont le coût de fabrication est de 100 € !“. Médecins du monde a également
déposé un recours contestant la brevetalité du sofosbuvir par Gilead auprès de l’office des brevets. Les associations demandent à rencontrer la ministre pour lui “exposer (leurs) propositions pour œuvrer conjointement à une gestion responsable et collective de l’épidémie“. Plus largement, beaucoup d’entre elles aimeraient que la politique de fixation du prix des médicaments soit moins opaque. “Nous aimerions que le CEPS en charge de la négociation des prix du médicament soit plus transparent. La loi de santé prévoit que les associations puissent demain y participer, c’est une bonne chose mais cela n’est pas suffisant. Ce que nous vivons aujourd’hui pour les traitements de l’hépatite C préfigure ce qui va arriver pour le traitement des cancers avec des thérapies ciblées de plus en plus chères. Si l’on veut enrayer cette tendance qui va de plus en plus restreindre l’accès à ces médicaments, il faut remettre à plat la politique de fixation des prix des médicaments, en y incorporant notamment le coût de leur fabrication“ conclut le Dr Corty.David BêmeSources : Lettre ouverte à la ministre de la santé de Ciss, CHV, TrT5, Aides, Comede, Médecins du monde, Sos hépatites – 15 décembre 2015Interview du Dr Jean-François Corty, directeur des missions France de Médecins du monde – 15 décembre 2015