Zambie : bataille autour du cuivre

March 21, 2020 0 By JohnValbyNation

En mai 2019, la justice zambienne a ordonné la liquidation judiciaire pure et simple de Konkola Copper Mines (KCM), le premier producteur de cuivre zambien, à la demande insistante du gouvernement d’Edgar Lungu, le président du pays depuis 2015.A l’origine de cette décision, une féroce bataille entre les deux actionnaires de KCM, le groupe indien coté à Londres Vedanta Resources (79,4%) et l’Etat zambien (20,6%). Ce dernier reproche à son partenaire d’avoir violé le code minier et, surtout, de ne pas avoir payé tous ses impôts.“Les investisseurs qui sont en Afrique pour piller, sans payer ce qu’ils doivent, ne sont pas bons pour la Zambie et ne doivent pas être autorisés à y rester”, a récemment martelé le président Lungu. “Tout le monde dans la Copperbelt (région du cuivre) souhaite le départ de Vedanta“. Et de citer en exemple de nombreux fournisseurs locaux non payés ou le procès pour pollution intenté à Londres contre le groupe par des habitants de la région.Le conflit dure depuis plusieurs mois. “En janvier 2019, l’organisme chargé de la régulation du secteur des mines, la Zambia Revenue Authority (ZRA), a réclamé des arriérés dus à l’Etat par des compagnies minières exerçant dans le pays, à la suite d’une opération d’audit qu’il a menée, exacerbant à l’occasion les tensions entre les différentes parties“, rappelle La Tribune Afrique .Vedanta conteste formellement ces allégations et reproche à Lusaka de vouloir “l’exclure de façon déloyale” de KCM. Le groupe dit avoir investi plus de 3 milliards de dollars en Zambie depuis 2004 – sans faire de bénéfice ces dernières années – et dénonce des “accusations infondées“. “Vedanta défendra fermement ses droits“, a fait savoir son PDG, Srinivasan Venkatakrishnan, “nous espérons rencontrer bientôt le gouvernement pour discuter d’une solution“.Croissance en berneEtranglée par une forte dette (dont une partie vis-àvis de la Chine ne serait pas comptabilisée, selon certaines sources), la Zambie, deuxième producteur africain de cuivre, a décidé de frapper son secteur minier au portefeuille en remplaçant, à partir du 1er juillet, l’actuelle TVA par une nouvelle taxe. Les compagnies étrangères ont toutes averti que cet impôt, qu’elles jugent excessif, pourrait les pousser à quitter le pays.”La nouvelle taxe sera appliquée”, a répliqué Edgar Lungu, “que ceux qui n’en veulent pas s’en aillent“. Le départ de KCM, souhaité par le président zambien, s’annonce toutefois risquée pour son pays, dont le cuivre fournit jusqu’à 70% de ses recettes en devises étrangères.Après des taux de plus de 10% dans les années 2000, la croissance zambienne a nettement ralenti récemment, victime de la chute des cours du cuivre. Selon le FMI, elle devait encore reculer pour passer de 3,7% en 2018 à 2,3% cette année.Dans ce contexte, le conflit minier apparaît dangereux pour le pays. La société KCM emploie 13 000 personnes et sa fermeture serait une catastrophe. Ce conflit pèse aussi sur la confiance suscitée par la Zambie. “La protection des investissements paraît de plus en plus vulnérable”, insiste un analyste, Nick Branson, du cabinet Verisk Maplecroft. De son côté, “le groupe de pression minier du pays a averti le gouvernement que les hausses de taxes pourraient entraîner une chute de la production de cuivre de 100 000 tonnes cette année, par rapport à un record de 861 946 tonnes en 2018“, précise Bloomberg.L’opposition voit dans cette affaire une occasion de dénoncer à nouveau la corruption. “La liquidation vise à bénéficier à un certain nombre d’escrocs”, accuse Chishimba Kambwili, chef du Congrès démocratique national (NDC). Le Royaume-Uni a suspendu l’an dernier son aide à la Zambie en raison “d’inquiétudes” sur des détournements de fonds.Malgré ces critiques, Edgar Lungu semble déterminé à se débarrasser de Vedanta. Cette semaine, il a assuré être en contact avec de nombreux repreneurs potentiels et qu’un repreneur de KCM pourrait être trouvé “d’ici un mois”. Certains parlent déjà d’investisseurs chinois, qui sont déjà très actifs dans le pays, y compris dans l’exploitation minière.