Orelsan : « Non, je n’essaie pas de m’acheter une conduite ! »

January 19, 2020 0 By JohnValbyNation

MAJ 17/12/2015: Orelsan a comparu mercredi devant la cour d’appel de Versailles pour injure et provocation à la violence envers les femmes. Le rappeur – Aurélien Cotentin de son vrai nom – qui est un des « bloqués » sur Canal+, pastille humoristique où deux types, sur un canapé, discutent de tout, mais ne font surtout rien, vient de sortir son premier film. Gala l’avait rencontré lors du Festival du Film Francophone d’Angoulême, où il faisait partie du jury. Il était notamment revenu sur la polémique autour de sa chanson « Sale pute ». Le verdict sera rendu en février 2016.

Gala : Ce n’est pas tout à fait un hasard si on vous retrouve dans un festival de cinéma…

Orelsan : C’est vrai, je suis en train de réaliser mon premier film, une comédie qui sortira le 9 décembre, adaptée d’un album que l’on a fait l’an dernier. Ça raconte l’histoire de deux trentenaires qui font du rap, et qui n’ont jamais réussi à finir une seule chanson. Evidemment c’est inspiré de ce que j’ai vécu – l’histoire se passe à Caen où j’ai grandi, je travaille dans un hôtel et je l’ai vraiment fait -, mais c’est romancé à fond. Quant au casting, il y a quelques acteurs, mais aucun de connus, ce sont majoritairement mes potes qui jouent.

Gala : Est-ce que la polémique autour de « Sale pute », chanson sortie en 2009 qui vous a fait connaître du grand public, vous a fait du mal ? A vous et à votre entourage ?

Orelsan : Un peu parce que ça m’a annulé énormément de dates de tournées. Ça a interrompu un truc qui se passait bien. Avec ma famille, mes parents, mes grands-parents, j’ai pris les devants, j’en ai beaucoup parlé, du coup, ça c’est bien passé.

Gala : Ils n’ont pas été choqués par vos paroles ?

Orelsan : Pas du tout. Mon grand-père qui est un peu plus « old school » m’a demandé pourquoi je faisais ça aussi, mais ma grand-mère, au contraire, m’a défendu à fond. Elle lui disait : « Tu vois Jean, quelques fois tu m’énerves et j’ai envie de te le dire comme ça, j’ai envie de t’étrangler, c’est juste ça qu’il raconte ! ». En revanche, comme ils ont un peu moins de recul que nous sur les médias, quand ils ont diffusé au 20h de TF1 un reportage pour dire que ce genre de propos pouvait être passible de quinze ans d’emprisonnement, ils ont cru que c’était moi qui risquais d’écoper de ça ! D’autant qu’au début, les condamnations pleuvaient. Mais rapidement la tendance s’est inversée, on a montré du doigt les censeurs, on m’a beaucoup soutenu et ça a rassuré ma famille.

Gala : Et puis les associations féministes qui ont été les premières à se liguer contre vous ont été déboutées…

Orelsan : Oui, mais je suis encore en procès avec « Ni pute ni soumise », « Les chiennes de garde », etc., car elles ont fait appel. Du coup, après avoir gagné tous les procès, ce mois-ci, on va en cours de cassation.

Gala : Vous n’avez pas essayé de leur parler ?

Orelsan : Bien sûr que si. D’ailleurs on est toujours d’accord sur les mêmes points : en gros, qu’il ne faut pas censurer, qu’il faut respecter la liberté d’expression, que c’est une fiction… Mais pour elles, il y a des choses que l’on ne peut pas dire quelles que soient les circonstances. Mais encore une fois, j’ai fait un clip qui justement montre que c’est une parodie, j’y ridiculise le mec bourré qui dit n’importe quoi, jusque dans le refrain R’nB, il y a de l’ironie, et elles n’ont jamais visionné cette vidéo. Les féministes ont fait énormément de choses bien, et elles continuent, mais elles sont aussi un peu à côté de la plaque, déconnectées de la culture des jeunes en tout cas.

Gala : Orelsan s’est-il acheté une conduite depuis ?

Orelsan : Je ne crois pas, en tout cas je n’essaie pas. J’essaie de faire ce que je veux. Dans mes derniers albums, il y a des trucs aussi durs qu’au début. Mais dans la musique, tu ne fais pas les mêmes choses quand tu as 22 ans, que tu es jeune et énervé, qu’à 33 ans, mon âge aujourd’hui.

Gala : L’âge du Christ !

Orelsan : Je n’aime pas trop penser à ça…

Gala : Vous avez peur d’être crucifié ?

Orelsan : Non, tout simplement de mourir.

Gala : Qu’est-ce qui peut vous choquer vous ? Qu’est-ce que vous pourriez interdire ?

Orelsan : Si mes chansons étaient interdites aux moins de 15 ans par exemple, je serais d’accord. Même si je pense qu’interdire, c’est passer à côté de la possibilité d’un dialogue et ça, ça me dérange. Quand plein de jeunes de 16–17 disent se reconnaître dans mes textes, c’est l’occasion pour les parents d’en discuter, d’essayer de les comprendre. En tout cas je vois ça comme ça. Ce qui est sûr par contre, c’est que même quand on a dit des trucs faux sur moi, ça ne m’est jamais passé par la tête de faire un procès.

Gala : Avez-vous des enfants ?

Orelsan : Pas encore.

Gala : Ne pensez-vous pas que, quand vous en aurez, vous changerez de registre ?

Orelsan : J’ai changé mon registre tout au long de ma vie car j’ai envie de faire une musique qui me ressemble, je n’ai pas envie de faire du jeunisme, mais ce n’est pas pour autant que ce que j’écris, ou écrirai, sera moins dur.

Gala : Qui écoutez-vous actuellement ?

Orelsan : Kendrick Lamart, un rappeur américain et, en ce moment, je suis à fond dans Bob Dylan.

Gala : Vous avez été biberonné à quel genre de musique ?

Orelsan : Plutôt variété, Michel Berger, Polnareff, France Gall à fond. Ma mère adorait Brassens aussi.

Gala : Si c’était à recommencer cette fameuse chanson, « Sale pute », vous la réécririez telle quelle ?

Orelsan : Peut-être que pour mieux différencier fiction et réalité, je referais le clip que j’avais tourné façon amateur et qui du coup faisait trop réaliste. Pour le reste, je ne changerais rien.

Crédits photos : Ugo RICHARD