Pour le collectif BAMP, “le CoVid a mis en relief des inégalités de la prise en charge des AMP”
Le parcours des parents infertiles et stériles a été mis à mal pendant la
crise du COVID, où toutes les prises en charge avaient été arrêtées. Selon avec Virginie Rio, fondatrice de l’association BAMP, la crise sanitaire a permis de révéler des inégalités sur l’accueil des patient-e-s en attente d’une AMP.
Sommaire
- Comment s’est passé l’arrêt du suivi pour les personnes en attente d’une AMP ?
- Comment cette rupture a-t-elle été vécue ?
- La prise en charge est-elle la même pour dans tous les centres d’AMP ?
- Justement, l’agence de biomédecine recommande de limiter la prise en charge aux femmes ayant une IMC inférieure ou égale à 30, qu’en pensez-vous ?
- Quel est le profil des personnes ayant été autorisée à reprendre le protocole d’assistance à la procréation médicale ?
- Quels impacts sur la santé mentale des personnes en attente d’une AMP ?
- Quelles sont les attentes de l’association BAMP ?
Comment s’est passé l’arrêt du suivi pour les personnes en attente d’une AMP ?Virgine Rio : Il y a eu plusieurs épisodes. Tout d’abord, fin février, nous avons eu à vivre dans certaines régions le déclenchement du
plan blanc qui a induit une réduction de l’activité de l’AMP. Ce plan permet de mobiliser des moyens pour faire face à un afflux de victimes ou à une situation sanitaire exceptionnelle tant au niveau de chaque établissement de santé, qu’au niveau départemental, zonal et national. Le personnel, les locaux ont été réquisitionnés (essentiellement en Alsace).Puis, début mars des recommandations internationales ont stipulé qu’il fallait arrêter toutes les démarches d’AMP parce qu’à cette époque on n’avait pas encore de visibilité sur l’impact du virus sur une grossesse, sur des
gamètes ou sur les foetus.L’agence de biomédecine a alors publié mi-mars des recommandations en demandant à ce que l’on arrête les activités d’AMP.Comment cette rupture a-t-elle été vécue ?
La rupture a été brutale pour les patient(e)s, en fonction des établissements, l’information a été plus ou moins bien faite. Certaines personnes ont été informées en amont par leur médecin et par téléphone que le protocole ne pourrait pas être réalisé, certaines ont reçu un simple SMS d’annulation de rendez-vous à la veille d’une ponction. Quelques centres, (
comme le précisait le professeur Jean-Marc Ayoubi, NDLR), ont fait le choix de continuer les traitements jusqu’à la fin de la semaine où les mesures de confinement ont été annoncées.
Il y a eu des attitudes différentes et pour nous, c’est problématique parce qu’entre arrêter à la veille d’une ponction et gérer une prise en charge le temps de quelques jours, ça ne produit pas le même effet pour un(e) patient(e).Mais en réalité, personne n’est à blâmer spécifiquement, on a tous été dans un moment de sidération. On travaille actuellement sur la rédaction d’un questionnaire pour améliorer ce type de situation, mais aussi pour améliorer et unifier la communication de la prise en charge des personnes qui sont en situation d’AMP.La prise en charge est-elle la même pour dans tous les centres d’AMP ?Avant même le COVID, la prise en charge des patients n’était pas forcément la même dans les différents centres d’AMP. Certains centres pourront vous accepter si vous avez de la température, d’autres non. Des centres vous refuseront à un certain seuil d’IMC alors que d’autres vous prendront en charge. Dans telle ville on vous offrira la possibilité de faire deux tentatives de dons de gamètes alors que dans une autre le seuil sera fixé à une seule tentative.Les communications aux personnes mais aussi les choix de poursuite, ou non, de la prise en charge de l’AMP sont très variables en fonction des centres et c’est pour nous un souci.Les recommandations ont été faites au mois de mars, en plein pic de l’épidémie de COVID en France, ça ne fait plus de sens, il faudrait sortir de cet état d’exception qui est déjà obsolète au regard du contexte sanitaire.Évidemment que si on avait été dans le contexte du mois de mars, nous ne tiendrions pas le même discours.A l’heure des réseaux sociaux où l’on peut savoir très rapidement comment se déroule une AMP dans un centre et constater que ce n’est pas la même dans un autre, ça peut être déroutant. On peut se retrouver à côtoyer une amie qui va faire son transfert d’embryons dans les jours à venir tandis que nous, on nous le refusera alors qu’on a le même IMC mais que le seuil de tolérance n’est pas le même.Justement, l’agence de biomédecine recommande de limiter la prise en charge aux femmes ayant une IMC inférieure ou égale à 30, qu’en pensez-vous ?
L’IMC maximale de 30, c’est très bas. Et ça ne colle pas avec les choix de certains centres de prendre en charge des patient(e)s qui seraient à une IMC de 32.Comment expliquer à une femme qu’on l’acceptait à 32 pour annoncer finalement qu’il faudra qu’elle soit aujourd’hui à 30 ? Je comprends parfaitement qu’un médecin utilise son droit de réserve concernant la question du poids, qu’il évalue le bénéfice et le risque avant d’effectuer un acte. Ce qui me paraît compliqué c’est de fixer ce seuil de façon arbitraire.Quel est le profil des personnes ayant été autorisée à reprendre le protocole d’assistance à la procréation médicale ?Les recommandations de l’agence de biomédecine ont indiqué des priorisations : les couples pour qui le protocole avait été arrêté, les situations qui relèvent de l’urgence et les femmes pour qui le temps est un ennemi comme celles qui vivent une insuffisance ovarienne précoce ou que l’âge presse. Pour l’agence de biomédecine, il faut retirer de cette liste les personnes qui présentent des comorbidités, y compris celles qui ont une IMC supérieure à 30.Certaines pratiques ont été également priorisées : les transferts d’embryons et les inséminations parce qu’on n’a pas besoin du bloc ni de l’équipe d’anesthésistes.Reste à savoir, maintenant, si tous les patients ont été avertis d’un délai pour la reprise en charge de leur AMP, j’ai certains retours de femmes qui n’ont pas eu de communication à ce sujet.Quels impacts sur la santé mentale des personnes en attente d’une AMP ?L’infertilité, ça prend bien la tête et quand vous êtes dans une période d’incertitude totale comme ça, c’est encore pire. Les gens ont besoin de perspectives. Il y a plus de risques psychosociaux à ne pas faire d’AMP que de risques sanitaires d’attraper le COVID et puis quand on vit cette souffrance, l’estime que l’on peut avoir de nous-même est fragilisée, on peut se placer dans des positions d’échec sans compter que l’intégration sociale et professionnelle est mise à mal car l’on place toutes nos ressources, qu’elles soient physiques ou mentales dans l’espoir que ces AMP aboutissent.Il ne faut pas oublier qu’il y a des gens qui mettent entre parenthèse leur vie professionnelle parce que le parcours d’AMP c’est long, ça demande de l’investissement et que ça ne fonctionne pas forcément du premier coup.Ce sont souvent des personnes qui sont déjà en grande souffrance générale alors ces délais supplémentaires peuvent les amener à décompenser, à stresser et à déprimer.Quelles sont les attentes de l’association BAMP ?Nous aimerions, d’abord, qu’il y ait de nouvelles recommandations de l’agence de biomédecine. Cela va d’ailleurs être le cas très rapidement puisque nous y travaillons ensemble et qu’elles doivent sortir ce jour (17 juin NDLR). Dans ces nouvelles recommandations, nous aimerions que les patient(e)s sortent de cet état d’exception et qu’on évalue seulement les risques pour elles et eux d’être porteurs du COVID ou non.Il faudrait supprimer la comorbidité liée à l’IMC de 30, mais il semblerait que les nouvelles recommandations qui vont être publiées indiquent que l’IMC s’y trouve toujours. On trouve une nouvelle mention : la situation des patient(e)s pourra être discutée au cas par cas.Qui est le collectif BAMP ?Le collectif BAMP est une association de patients et ex-patients
infertiles et stériles qui ont recours à l’
assistance médicale à la procréation (AMP) et de parents et futurs parents d’enfants nés grâce à une AMP, avec don ou en intra-conjugal. Les objectifs principaux de l’association sont de témoigner, informer, agir sur tous les sujets relatifs à l’AMP, accompagner et soutenir les patients qui sont concernés, qu’ils soient parents ou non.Virginie Rio a fondé cette association loi 1901 en 2013, dans le but, aussi, d’informer le grand public sur ces questions de santé environnementale qui impactent la fertilité et de travailler avec les professionnels de la santé pour améliorer la prise en charge des patients dans leur parcours d’AMP Pour en savoir plus :