Cancers génétiques : quelle place pour une ablation préventive des seins ?
Atteinte d’un cancer, la star Christina Applegate a préféré se faire enlever les seins plutôt que de risquer des complications. Cette solution radicale est-elle proposée en France ? Est-elle réservée aux femmes à haut risque génétique ?… Toutes les réponses.
Les mastectomies “prophylactiques“ constituent-elles une nouvelle forme de prévention des cancers du sein ? Cette méthode pour le moins radicale est déjà employée aux Etats-Unis. En France, la mastectomie prophylactique ne fait l’objet d’aucune réglementation particulière.
Ablation préventive du sein : pour qui ?
Bien évidemment, la mastectomie prophylactique ne concerne pas toutes les femmes. Le recours à une telle technique se pose essentiellement pour celles présentant une très forte prédisposition génétique de cancer du sein. Deux principaux gènes BRCA 1 ou BRCA 2 sont impliqués, responsables de près de 80 % des cancers du sein d’origine génétique. Si l’on considère l’ensemble des cancers du sein, ces cancers “héréditaires“ comptent pour 5 à 10 % des cas de cancers du sein ou de l’ovaire.
Et l’augmentation du risque n’est pas anodine. Dans la population générale féminine, 8 % feront un cancer du sein et 3 % en décèderont. Chez celles porteuses du gène BRCA 1, 80 % feront un cancer du sein, avec 30 % de mortalité. Concrètement, 40 000 cancers du sein se déclarent chaque année en France (3 000 liés à BRCA1), entraînant 11 000 décès (800 à 850 liés à cette mutation génétique).
Les avantages d’une ablation prophylactique
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, une ablation des seins n’annule pas totalement le risque de cancer, car il est pratiquement impossible de supprimer totalement la glande mammaire. Chez des patientes sans aucune prédisposition génétique, une mastectomie préventive n’élimine pas un risque résiduel de cancer du sein, de l’ordre de 0,5 %.
Mais chez des femmes à haut risque génétique, plusieurs études ont montré une baisse importance des cancers. Selon une expertise collective de l’Inserm, le risque après mastectomie est de 4 à 5 % (contre 60 à 80 % sans mastectomie) et avec un risque de décès qui passe à 2 % (contre 30 à 40 % avant).
En résumé, on ne supprime pas le risque chez les patientes à haut risque génétique mais on le ramène schématiquement à celui de la population générale.
Quels effets secondaires de la mastectomie ?
Mais une approche qui privilégierait une vision purement arithmétique n’est pas humainement possible pour une partie du corps au tel pouvoir symbolique, si attaché à la féminité et à l’image de soi. Les effets secondaires d’une telle opération sont ainsi importants et dépassent le simple aspect technique.
L’ablation nécessite ainsi une reconstruction immédiate, qui entraîne des complications chez 20 % des patientes. Il y aura ensuite les problèmes inévitables : des douleurs, la contrainte de changer de prothèses… Et bien sûr, le retentissement psychologique peut varier d’une femme à l’autre. Certaines patients souffriront d’une altération de leur qualité de vie, alors que d’autres seront soulagées de ne plus avoir cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête. D’ailleurs, les femmes qui demandent elle-même cette ablation sont celles qui ensuite ont le moins de problèmes psychologiques.
A souligner, pour diminuer le traumatisme de la mastectomie, une alternative peut-être proposée : une ablation de la glande mammaire en gardant l’“étui cutané“ et même éventuellement l’aréole. En clair, on vide le sein de sa substance en enlevant la glande mammaire, et on remet la prothèse à la place. Une pratique qui reste toutefois moins efficace sur la diminution du risque de cancer du sein.
Quelles alternatives à la mastectomie ?
Il faut noter que la mastectomie n’est pas le seul facteur qui peut faire baisser le risque de cancer du sein chez les femmes porteuses du gène BRCA. Par exemple, une ménopause précoce (avant 40 ans) entraîne une baise de 30 % du risque.
Des interventions peuvent ainsi s’avérer efficaces : une ovariectomie (ablation des ovaires) permet une baisse de 50 % du risque de cancer du sein chez les femmes porteuses des gènes BRCA. Autre possibilité : le tamoxifène et le raloxifène, médicaments anticancéreux, qui permettent de baisser de 30 % ce risque. En France, les recommandations s’orientent vers une combinaison ovariectomie et tamoxifène plutôt que mastectomie. Ce choix permet de faire baisser le risque très fortement (sans toutefois atteindre la baisse liée à l’ablation des seins) sans attenter à la féminité de la patiente.
Dans tous les cas, il ne faut pas oublier que chaque femme est unique, et que chaque cas doit être examiné de manière individuelle. C’est aux médecins d’évaluer la pertinence de cette opération. Et c’est à chaque femme concernée ensuite de décider en connaissance de ce qu’elle souhaite. L’Institut National du cancer travaille actuellement sur les conditions possibles pour ces ablations prophylactiques du sein, mais aussi ovaire, thyroïde…
Alain SousaSource : Intervention du Pr. Jean-Pierre Lefranc, chirurgien à l’hôpital de la Pitié Salpetrière, Entretiens de Bichat, septembre 2008Click Here: United Kingdom Rugby Jerseys