Hypertension : bien la traiter pour qu'elle ne vous brise pas le coeur !
Longtemps silencieuse, l’hypertension peut entraîner de graves complications : infarctus, attaques cérébrales… Mais de nombreux patients ne se savent pas atteints ou négligent leur traitement. Comment améliorer leur prise en charge ?
Avec l’âge, le tabac, l’hypercholestérolémie et le diabète, l’hypertension artérielle est l’un des principaux facteurs de risque de maladie cardiovasculaire (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, artériopathie oblitérante des membres inférieures…). L’enquête Flahs (french League Against Hypertension Survey) menée en 2009 par le Comité Français de Lutte contre l’hypertension artérielle permet de dresser le profil du patient hypertendu et les leviers d’amélioration de sa prise en charge (1).
Le patient hypertendu cumule souvent plusieurs facteurs de risque
On estime qu’actuellement en France 10 820 000 patients hypertendus sont traités (soit 30,6 % des plus de 35 ans) et on estime à 4 214 000 (soit 17 % des plus de 35 ans) le nombre d’hypertendus non dépistés ou non traités. Or une personne sur deux de plus de 65 ans est touchée par la maladie. Après 75 ans, la prévalence de l’hypertension artérielle (HTA) passe à 58 %.
Au-delà de ces chiffres impressionnants, l’étude Flahs 2009 montre que les hypertendus cumulent plusieurs facteurs de risque :
– 40 % des sujets traités déclarent être traités pour au moins un des trois facteurs de risque : 30,2 % étaient traités pour l’HTA, 22 % pour une dyslipidémie et 7 % pour un diabète ;
– 46 % des hypertendus sont également traités pour un excès de cholestérol ;
– 17 % des hypertendus ont un diabète associé ;
– De plus, 12 % des hypertendus traités étaient des fumeurs actifs ;
– Le tour de taille (98,8 cm vs 90,7 cm) et l’IMC (kg/m²) (28,2 vs 25,2) des patients hypertendus étaient significativement supérieur à celui du reste de la population et 30 % des hypertendus étaient même obèses (versus 12 % dans la population non hypertendue).
Cependant, le Pr. Xavier Girerd, vice-président de la Société française d’hypertension artérielle, souligne que tous les patients hypertendus à âge et chiffres tensionnels équivalents ne présentent pas le même risque de faire un événement cardiovasculaire (2).
Tous les hypertendus n’ont pas les mêmes risques
Pour que chacun puisse évaluer ce risque sans devoir s’appuyer sur des échelles réservées aux professionnels de santé, le Comité Français de lutte contre l’hypertension artérielle a eu l’idée de proposer un outil simplifié aisément explicable aux patients et ne tenant en compte que des paramètres couramment disponibles en médecine générale.
Sur la base des données de la cohorte de Framingham comportant 8491 sujets âgés de 30 à 74 ans (3), l’équipe du Pr. D’Agostino a validé en 2008, une équation mathématique calculant à partir d’une combinaison de données simples, la probabilité pour un individu de développer une maladie cardiovasculaire dans les 10 ans à venir. Ainsi, deux équations spécifiques sont proposées, pour les hommes et les femmes, en utilisant l’âge, le cholestérol total et HDL, la Pression Artérielle Systolique, la notion d’HTA traitée ou non, le statut tabagique et l’existence d’un diabète. Ce test est disponible sur le site www.comitehta.org (4).
Pour être efficace, un traitement doit être pris
Aujourd’hui, la prise en charge de l’hypertension repose sur une prise en charge hygiéno-diététique et des traitements médicamenteux, le plus souvent associés (5). Mais souvent, le patient ne souffrant d’aucun symptôme a tendance à minimiser les risques cardiovasculaires et à “oublier“ son traitement. Chef de service de psychologie clinique (Hôpital Pompidou – Paris), le Pr. Silla Consoli explique le déni dont souffrent ces patients à l’égard des risques cardiovasculaires. Pour se soigner, pour prendre régulièrement son traitement, le patient doit reconnaître qu’il est à risque. “L’entourage s’oppose fréquemment à un patient qui est dans le déni, essaie de lui faire peur, de lui ouvrir les yeux, lui parle comme s’il n’avait pas compris… alors que le patient a parfaitement compris, mais que cela est trop difficile à intégrer pour lui“ explique le Pr. Consoli (2). Pour les proches comme pour le médecin, “il faut arriver à définir ce qui va toucher le plus ou ce qui va faire envie le plus à chaque patient et qui peut le faire changer d’habitudes de vie. Chacun a ses raisons personnelles : il faut trouver ce qui peut parler au patient et le motiver, plutôt que de vouloir le persuader à n’importe quel prix“.
Sachant que ces traitements sont prescrits à vie, ils doivent être simples à prendre et surtout particulièrement bien tolérés : les effets secondaires sont très souvent à l’origine d’arrêts du traitement, donc seule une bonne tolérance au long cours pourrait en garantir l’observance. “Pour être efficace, un traitement doit être pris“. Dans ce cadre, une réelle éducation thérapeutique s’avère particulièrement utile. Plusieurs initiatives ont pu localement démontrer l’importance d’une telle démarche. Ainsi l’initiative HTA Vasc dans le département du Nord permet au médecin généraliste de compléter la prise en charge de ses patients par un parcours de soins éducatifs.
Chef de service de médecine vasculaire au CHU de Lille, le Pr. Claire Mounier-Vehier résume bien l’enjeu de l’hypertension : “Les patients doivent recevoir un traitement antihypertenseur efficace sur les chiffres tensionnels, très bien toléré et assurant une protection cardiovasculaire“ (2). Aujourd’hui, les traitements mis à la disposition des médecins offrent ces trois avantages pour les patients à risque cardiovasculaire et permettent de réduire significativement la survenue d’un infarctus du myocarde ou d’un AVC.
Luc Blanchot
1 – Enquête réalisée par THS Health Care menée par voie postale en mai 2009 au sein d’un échantillon représentatif de 3838 individus âgés de plus de 35 ans vivant en France métropolitaine. L’intégralité du rapport est disponible sur le site www.comiteHTA.org2 – Conférence de presse “Aujourd’hui encore, des patients à risque cardiovasculaires s’ignorent : comment les protéger et les prendre en charge ?“ – Boehringer – 11 février 20103 – Circulation. 2008 Feb 12;117(6):743-53. Epub 2008 Jan 22.4 – Mise au point d’une équation de risque de prédiction des complications cardiovasculaires chez les hypertendus traités et suivis en France : Etude CARDIORENAL. Xavier Girerd, Jean-Claude Aldigier, Henri Gin et al. Poster présenté lors des 29èmes Journées de l’Hypertension artérielle, Paris, décembre 2009. 5 – Prise en charge des patients adultes atteints d’hypertension artérielle essentielle – Actualisation 2005 – Haute Autorité de santé