Les substituts nicotiniques : arnaque ou véritable aide au sevrage ?

May 7, 2020 0 By JohnValbyNation

Une étude américaine remettant en cause l’efficacité des substituts nicotiniques dans l’arrêt du tabagisme jette un pavé dans la mare : pour les tabacologues français que Doctissimo a interrogés, ce message est délétère et réduit la question complexe de la dépendance au tabac à sa seule dimension de l’addiction à la nicotine.

Une étude remet en cause l’efficacité des substituts nicotiniques dans le sevrage tabagique.

Une étude américaine s’interroge sur l’efficacité des substituts nicotiniquesL’étude, diffusée sur le site de la revue Tobacco Control, a porté sur 787 adultes ayant récemment

arrêté de fumer. Ils ont été suivis pendant 6 ans et interrogés à trois reprises (entre 2001 et 2002, 2003 et 2004, et 2005 et 2006) sur les aides au sevrage auxquelles ils avaient éventuellement eu recours (patchs, gommes à mâcher, inhalateurs, sprays nasals mais aussi entretien avec un tabacologue, un coach ou tout autre conseiller) et sur le succès de leur démarche d’arrêt.Sur les 480 personnes qui ont accepté de répondre au deuxième entretien, près d’un tiers (30,6 %) avaient rechuté ; la même proportion (31,3 %) avait également rechuté entre le deuxième et le dernier entretien. Un fumeur sur cinq avait utilisé des

substituts nicotiniques, mais seulement 7,5 % y avaient eu recours plus de 6 semaines entre 2001 et 2002 et 13,3 % entre 2003 et 2004. Sur ce point, les chercheurs soulignent qu’“en dépit de la popularité des substituts nicotiniques, très peu de fumeurs qui souhaitent arrêter suivent les recommandations qui préconisent d’utiliser le produit pendant 8 semaines“.Le seul facteur de risque prédictif de rechute entre les deux premiers entretiens était la durée de l’abstinence avant l’entrée dans l’étude : ceux qui avaient arrêté de fumer pendant plus de 6 mois au cours des deux années précédant cette étude avaient ainsi deux fois moins de risque de rechuter que ceux dont l’abstinence n’avait pas excédé six mois (respectivement 17 % et 35 %). Sur la seconde période, le taux de rechute était significativement supérieur chez les personnes qui s’étaient aidés des substituts nicotiniques sans l’aide d’un professionnel de santé (52 %), par rapport à celles qui avaient pris des substituts sur les conseils de leur tabacologue (30 %) ou celles qui n’avaient pas eu recours aux substituts (22 %). Les auteurs ont ainsi calculé que le risque de rechute le plus élevé concernait les anciens fumeurs très dépendants recourant aux substituts nicotiniques sans le soutien d’un professionnel (risque multiplié par 2,68 par rapport ceux qui n’utilisaient pas les substituts).
Pour les auteurs, “cela peut indiquer que certains fumeurs très dépendants considèrent les substituts nicotiniques comme une sorte de pilule magique, et, une fois qu’ils réalisent qu’il n’en est rien, ils se retrouvent sans aide dans leur démarche d’arrêt du tabac, alors vouée à l’échec“.
Ils concluent que “le résultat principal est que les personnes qui arrêtent de fumer rechutent dans des proportions équivalentes, qu’ils utilisent ou non des substituts nicotiniques […] Cela jette le doute sur l’efficacité relative des substituts nicotiniques à l’échelle de la population“.“Un message délétère“, pour le Dr Anne BorgneInterrogée par Doctissimo, le Dr Anne Borgne, qui dirige l’unité d’addictologie à l’hôpital René-Muret (AP-HP), estime que le message véhiculé par cette étude est “extrêmement délétère“. “C’est beaucoup trop réducteur d’annoncer que les substituts nicotiniques ne sont pas efficaces dans l’arrêt du tabac sur la base d’une étude purement mathématique. La dépendance au tabac ne se réduit pas à la dépendance à la nicotine, il s’agit d’une dépendance également sociale et psychologique que l’utilisation de substituts nicotiniques ne peut évidemment pas régler à elle seule“.Même réaction de la part du Dr Olivier Bernard, tabacologue à Paris. “Il est déraisonnable de dire que les substituts nicotiniques sont inefficaces. Il existe suffisamment d’études pour dire qu’ils ont une certaine efficacité mais qu’elle est faible“. Pour ce spécialiste, la prise en charge d’un fumeur qui souhaite arrêter de fumer nécessite de déterminer son type ainsi que son niveau de dépendance. On distingue ainsi la dépendance à la nicotine de la dépendance psychologique et comportementale. “Entre 10 et 20 % des fumeurs sont très peu voire pas du tout dépendants au tabac. Pour ces personnes, l’arrêt du tabac est facile, dès la première tentative, car ils n’ont pas le sentiment de perdre quelque chose en arrêtant et ne font donc pas de dépression, ne prennent pas de poids, etc.“.À côté de cela, environ un tiers des fumeurs est peu dépendant à la nicotine, un tiers l’est moyennement et un dernier tiers l’est fortement. Pour ces derniers, “il est scandaleux de les faire arrêter sans traitements substitutifs, estime le tabacologue. Car bien dosés, l’association des patchs et des formes orales de nicotine supprime tout effet de manque pendant la période de sevrage“, et prévient ainsi tout risque de souffrance, de dépression ou de prise de poids. “C’est grave de laisser souffrir, déprimer ou prendre du poids des gens qui sont en manque de nicotine“, estime le médecin. La période de sevrage dure en moyenne 3 à 4 mois, mais peut s’étendre jusqu’à 6 ou 7 mois chez les gros dépendants. Et le Dr Bernard de prévenir : “il n’y a pas d’enjeu à vouloir gagner du temps en réduisant les doses de nicotine“.Amélie Pelletier
Sources
A prospective cohort study challenging the effectiveness of population-based medical intervention for smoking cessation, 10 janvier 2012, Tobacco Control, édition en ligne (

résumé accessible).Propos recueillis auprès du Dr Olivier Bernard, tabacologue, le 11 janvier 2012, et du Dr Anne Borgne (unité d’addictologie à l’hôpital René- Muret), le 12 janvier 2012.Click Here: ADELAIDE CROWS 2019 MEN’S HOME GUERNSEY