Entretien exclusif avec Rachida Dati

March 19, 2020 0 By JohnValbyNation

Pour la première fois depuis son départ de la chancellerie, l’icône de la diversité partage ses blessures, ses bonheurs et ses envies. Entretien sans concession.

reçoit désormais dans ce qu’elle appelle son « petit Vendôme », sa mairie du 7e arrondissement. Elle y a trouvé ses marques. Maman attendrie ou politique musclée, elle se confesse sans détour. Pour Gala, elle a pris le temps de revenir sur son ascension fulgurante. Elle plaide aussi pour une sphère privée équilibrée. En dégustant un café au lait – une habitude prise durant l’une des plus médiatiques grossesses de France –, elle savoure à petites lampées ce retour sur elle-même. Noyée dans le tourbillon politique pendant deux ans, l’ex-garde des Sceaux se veut aujourd’hui apaisée. Elle reste à fleur de peau. Sereine mais sur ses gardes.

Gala: Vous venez de lancer votre association, C’est à Vous. Or il existe déjà de nombreuses fondations, celle de

ou celle de Carla Sarkozy. Qu’allez-vous apporter de neuf?

Rachida Dati: Ce n’est pas une fondation, mais une association qui a pour objet de promouvoir la citoyenneté sous toutes ses formes. Pour cette première action, nous avons ainsi décidé de nous intéresser à cette période de vie charnière qu’est l’adolescence. Un temps particulier qui peut être, dans certains cas, destructeur. C’est là que se forge la personnalité de chacun d’entre nous.

Gala: C’est là que s’est forgée la vôtre?

R. D.: Oui. Même si j’ai travaillé très tôt et que je n’ai pas vécu dans l’insouciance, j’ai toujours aimé rire et j’ai gardé un côté espiègle. Pour en revenir à mon association, nous avons souhaité participer au financement des maisons d’adolescents. Ces projets sont portés par la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France. Grâce aux 170 000 euros que nous avons reversés à la fondation, le 14 octobre, une nouvelle maison pourra voir le jour. Je suis aussi très attachée aux écoles de la deuxième chance, à la prévention de la délinquance ou au dépistage précoce. Je sais de quoi je parle, ce sont des causes pour lesquelles je me bats depuis longtemps. La PMI (protection maternelle et infantile) est notamment un « outil » exceptionnel de dépistage précoce des troubles chez l’enfant, mais aussi d’aide à la parentalité. Dans mon quartier, c’était aussi un endroit où les femmes se retrouvaient, échangeaient, c’était parfois leur seule sortie.

Gala: Vous êtes issue d’une famille très traditionnelle. Or vous avez cassé les codes en étant notamment mère célibataire. Comment les vôtres l’ont-ils accepté?

R. D.: Ils l’ont compris parce ce qu’ils m’aiment. Les parents apprécient généralement que l’on reproduise un schéma plus proche du leur. Je suis à la fois très libre et très conservatrice. Mais la vie n’est pas telle qu’on l’imagine. Il y a les aléas, la personnalité des uns et des autres, les rencontres, les succès, les échecs…

Gala: Vous aimez jouer les symboles de libération pour les femmes des quartiers…

R. D.: C’est un fait, ce n’est pas un choix. Mais il est important d’expliquer mon parcours et d’encourager celles et ceux pour lesquels un avenir meilleur peut apparaître difficile, voire impossible. Aussi, je suis sollicitée pour intervenir sur ce thème dans différents pays européens. Très récemment, le ministre de la Justice britannique, Jack Straw, m’a invitée en Grande-Bretagne pour que j’intervienne, dans sa circonscription, sur les sujets liés à l’intégration et aux droits des femmes. Je ne renie rien, ni qui je suis ni d’où je viens. J’ai toujours en tête cette photo de mes parents avec moi, bébé, dans les bras de ma mère, mon père s’apprêtant à partir travailler sur un chantier. Ils n’auraient jamais pu imaginer, alors, que je deviendrais un jour garde des Sceaux. Je ne me suis jamais rêvé de destin, contrairement à ce qu’on a pu parfois écrire. Enfant, je rêvais simplement de liberté et d’autonomie.

Gala: Aujourd’hui encore, comme lorsque vous étiez garde des Sceaux, on vous reproche vos tenues et vos goûts, supposés ou affichés, de luxe. Qu’en est-il?

R. D.: Si on m’a autant critiquée sur la forme, c’est sans doute parce qu’il était plus difficile de contester les nombreuses réformes que j’ai menées. Il est vrai que j’ai été attaquée sur ma féminité. Je n’ai jamais voulu y renoncer. Il s’agissait le plus souvent d’une critique de classe, et j’insiste sur le mot de classe. En réalité, je n’ai pas changé de façon de me vêtir une fois devenue ministre. Maman m’a toujours dit qu’être bien habillé, c’était respecter les autres. On m’a parfois demandé si je n’avais pas le sentiment de trahir ma condition d’origine en portant de belles toilettes ; j’ai trouvé cela choquant. Quant à certaines photos de dîners dans la presse, il s’agissait très souvent de dîners d’Etat. Les robes que j’y portais étaient des tenues prêtées par des maisons de couture françaises. Je ne suis pas une mondaine. Je suis un peu trop… directe pour cela. Je n’ai pas l’habitude de perdre mon temps en choses futiles. Les polémiques passent. Moi j’avance.

Gala: Certes, mais en voilà une autre avec la sortie du livre de votre frère Jamal. Ce dernier affirme que vous lui avez tourné le dos une fois les sommets atteints.

R. D.: Je ne veux pas parler de ce livre. Mais je constate que l’on s’est autorisé avec moi ce que l’on n’a fait à aucun autre politique. C’est facile d’aller chercher dans un groupe celui ou celle qui est le plus fragile pour blesser quelqu’un ou faire du mal à une famille. Or je ne suis pas la première ministre dont un parent est confronté à de graves problèmes. Après ma nomination à la chancellerie, on ne m’a rien épargné. Cela a été difficile pour mon entourage. Ma vie personnelle a été mise à l’épreuve les six premiers mois. A un moment donné, l’image que l’on projette de vous n’est tellement pas conforme à la réalité que vos proches eux-mêmes peuvent douter de vous. J’ai été sans cesse attaquée, y compris lorsque j’étais enceinte et que cette grossesse pouvait être à risques. Mais je ne me suis jamais victimisée et je ne le ferai jamais. Ce serait indécent.

Gala: La maternité vous aide-t-elle à relativiser la dureté de la vie politique?

R. D.: Mon bonheur personnel m’aide en effet beaucoup. Lorsque vous êtes aimée, tout devient possible. Ma fille est un cadeau inespéré. Si je ne l’avais pas, j’aurais eu l’impression que ma vie n’aurait pas été bouclée. Si parfois j’ai le sentiment de ne pas la voir assez, alors je prends le temps de profiter d’elle une petite heure à la crèche.

Gala: Et l’idée d’avoir un deuxième enfant?

R. D.: J’aurais évidemment aimé avoir d’autres enfants…

Gala: Pourquoi jouer avec l’identité du père de votre petite fille, qui apparaît comme le secret le mieux gardé de la République?

R. D.: (Sourire.) Je ne joue pas. C’est mon choix et notre décision. Les personnes que j’aime sont des gens fiables.

Gala: Il semble qu’aujourd’hui les Chirac vous aient prise sous leur aile… A tel point que vous apparaissez plus proche d’eux que des sarkozystes. Est-ce une question de sensibilité politique?

R. D.: Personne ne m’a prise sous son aile ! Je n’ai pas besoin de protecteur. Et mes relations avec le président Sarkozy sont excellentes. Je n’oublie pas ce que je lui dois.

Gala: Puisque nous parlons du chef de l’Etat, évoquons son fils, Jean… Quelle est votre position quant à sa candidature à la tête de l’Epad?

R. D.: Je le défends car ce sont toujours les mêmes qui attaquent, et en l’attaquant c’est évidemment le président de la République qui est visé. Jean est élu et ce n’est ni son père ni qui que ce soit d’autre qui a fait son élection, mais les Français ! Sa légitimité n’est pas discutable.

ou Elisabeth Guigou ont été nommées au gouvernement, très jeunes et sans expérience ministérielle.

Gala: Revenons à vous. Avez-vous connu, comme beaucoup de ministres, un coup de blues après votre départ de la place Vendôme, en juin?

R. D.: Je ne suis pas une femme de regrets et j’ai toujours pris la vie du bon côté. Lorsque je suis devenue magistrate, mes amis m’ont dit : « Tu vas t’ennuyer… » Or c’est un métier qui m’a passionnée, comme celui d’aide-soignante. C’est vrai, j’appréhendais un peu le Parlement européen. Or je m’y sens très bien. Sur la forme, c’est comme un grand campus international. Cela permet aussi d’échapper aux commentaires du microcosme. Je fais partie de deux commissions, l’une sur les Affaires économiques et monétaires, l’autre sur la Recherche, l’Energie et l’Industrie. Nous travaillons sur des mesures européennes à prendre pour sortir de la crise et à la relance d’une politique industrielle européenne, comme le souhaite Nicolas Sarkozy! Je suis par ailleurs rapporteur du programme européen de surveillance spatiale, dont les enjeux sont le changement climatique et la lutte contre le terrorisme. Vous voyez, je n’ai pas le temps de m’y ennuyer.

Gala: Et vous lorgnez sur la mairie de Paris!

R. D.: Je suis élue de Paris. Il y a de formidables défis à relever, dont le projet du Grand Paris proposé par le Président. Paris est la capitale qui fait rêver le monde, et en réalité c’est une des villes les plus sales d’Europe, une ville qui manque aujourd’hui de visions et d’infrastructures. Les dossiers parisiens me passionnent. Si je peux apporter une valeur ajoutée, je le ferai pour que nous mettions en œuvre ce projet historique. Mais vous savez, je suis légitimiste et je respecte les règles de notre mouvement.

Gala: Ce qui vous a permis un retour en grâce… Après de longs mois d’absence dans les voyages présidentiels, on vous a récemment vue au Kazakhstan aux côtés de Nicolas Sarkozy, ce qui a fait beaucoup jaser.

R. D.: C’est insensé de dire les choses comme cela! Je n’ai pas pu accompagner le Président en déplacement pendant plusieurs mois car il ne vous a pas échappé que j’étais enceinte. J’ai ensuite mené la campagne des européennes avec Michel Barnier. J’ai vu le chef de l’Etat pendant cette campagne, avant et après l’été, et nous nous parlons. Il me dit régulièrement : «Fais-moi confiance.» C’est ce que j’ai toujours fait et je n’ai jamais été déçue. Notre lien personnel est fondé sur la loyauté et indéfectible.

Gala: Vous a-t-il promis, comme on l’a dit, que vous pourriez vous présenter comme député de Paris en 2012?

R. D.: Nous en avons parlé avec le Président. Pour lui c’est une évidence. Et il sait qu’il peut compter sur moi.

Propos recueillis par Philippe Labi et Candice Nedelec.

Gala, octobre 2009

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