Dissolution des Soulèvements de la Terre : "Reconstituer" un groupement "dissous" relèverait "d'une infraction pénale", prévient un avocat spécialisé

July 5, 2023 0 By JohnValbyNation

“Reconstituer” un groupement “dissous” relèverait “d’une infraction pénale”, “il ne faut pas prendre tout à fait le juge pour un imbécile”, a prévenu ce mercredi sur franceinfo maître Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement. Le gouvernement a publié le décret de dissolution du mouvement Les Soulèvements de la Terre qui s’est mobilisé depuis plusieurs semaines afin de dénoncer des grands projets d’infrastructures qu’il juge néfastes pour l’environnement.

Les arguments juridiques du gouvernement vous ont-ils convaincu ?

Est-ce que Les Soulèvements de la Terre sont une personne morale qu’on est susceptible de dissoudre ? On ne peut pas dissoudre effectivement quelque chose qui n’existe pas. Le décret a été publié sur Twitter, c’est d’ailleurs assez original, c’est rare qu’un ministre publie sur Twitter un décret avant même le Journal officiel. Dans ce décret, le gouvernement a pris soin de qualifier Les Soulèvements de la Terre de groupement de fait. Ça veut dire que ce n’est pas une association déclarée en préfecture. Elle n’a pas de personnalité juridique classique, mais c’est un groupement de fait. On peut déduire qu’il existe bien une organisation structurée avec des dirigeants.

Sur quel texte, Gérald Darmanin s’appuie-t-il pour dissoudre ce groupement ?

Gérald Darmanin avait fait voter par le Parlement en 2021 la loi dite “Séparatisme”, qui était justement rédigée pour prévoir ce genre de situation. Ils vont se servir de cette loi de 2021 pour justement pouvoir dissoudre ce type de groupements-là. Malgré tout, même si le groupement n’est pas déclaré en préfecture, encore faut-il qu’il ait une existence. Ce sera au juge d’en décider. Il y a un certain nombre d’éléments, à la fois des comptes sur Internet, des publications, des messages, des personnes qui se sont exprimées dans les médias en se désignant eux-mêmes comme étant des porte-parole. Ce sera au juge de décider si tout ça révèle d’un groupement de fait.

Mais ces mêmes personnes peuvent réapparaître sous une autre appellation…

Il ne faut pas prendre tout à fait le juge pour un imbécile. Vous ne pouvez pas, une fois qu’un groupement de fait est dissous, le reconstituer directement ou indirectement. Ça relèverait d’une infraction pénale. Le risque effectivement qu’un mouvement dissout se régénère sous d’autres formes, sous d’autres appellations, peut-être dans un plus grand nombre, oui, il existe bien entendu. C’est d’ailleurs quelque chose qui est pointé aujourd’hui par un certain nombre de personnes du mouvement écologiste. Est-ce que cette décision de dissolution est utile ? On quitte un peu le terrain du droit, on est sur de la politique.

Est-ce que cela a du sens de faire un parallèle entre les “Greens Blocks” et des “Black Blocs” ?

Il y a des personnes qui ont commis des actes de violence, y compris contre les forces de l’ordre dans un certain nombre de manifestations récentes, c’est indéniable. Ça a été documenté. Le problème, c’est, est-ce que ces personnes agissaient de manière organisée ? Est-ce que Les Soulèvements de la Terre a organisé, a soutenu, a amplifié l’action de ces personnes qui ont pu apporter une atteinte à l’intégrité des forces de l’ordre ? Dans des décisions de justice passées à propos de dissolutions d’associations dites libertaires ou d’extrême gauche, le juge est très sensible à la question de savoir si une organisation soutient un appel à la violence contre les forces de l’ordre. C’est vraiment la ligne rouge que le juge interdit de franchir.

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Est-ce qu’il y a eu une dérive violente dans ce groupement ?

Le principe, c’est la liberté d’association et la liberté d’expression. La dissolution n’est que l’exception, c’est-à-dire que vous avez le droit d’avoir des propos violents, de vous exprimer très fortement contre l’État, y compris contre les forces de l’ordre. Il n’est pas interdit d’être violent dans son expression en France, dans certaines limites. Je pense par exemple à l’antisémitisme ou au racisme. Est-ce que, en l’occurrence, Les Soulèvements de la Terre aurait soutenu le bras quelque part des personnes qui s’en sont prises aux forces de l’ordre ? Lorsqu’on lit simplement le décret qui a été publié, ce n’est pas complètement évident. On voit que c’est beaucoup plus confus, que c’est compliqué. Il y a eu des actions violentes. Est-ce que Les Soulèvements de la Terre y a contribué, les a organisées, les a amplifiées ? À la simple lecture du décret, ce n’est pas complètement évident.