L’Olivier : rencontre avec Icíar Bollaín, la réalisatrice de cette fable engagée
Pour leur 2ème collaboration le duo formé par Iciar Bollain et le scénariste Paul Laverty nous offre “L’Olivier”. Un film plein d’espoir sur les valeurs et la famille. Rencontre avec la réalisatrice dont le film sort aujourd’hui.
AlloCiné : Le film s’inspire d’une histoire vraie, votre compagnon Paul Laverty (scénariste, entre autre de Ken Loach) a eu l’idée d’en faire un scénario. Comment s’est déroulé le travail préparatoire sur le film ?
Icíar Bollaín : En effet Paul est tombé sur un article de journal au sujet d’un olivier millénaire ayant été déraciné pour être vendu. Il a été stupéfait. Pour ma part, j’ai l’habitude de ces pratiques et ça ne m’a pas choquée. Malheureusement en Espagne c’est assez coutumier de voir nos campagnes être détruites, particulièrement par des étrangers. Mais avoir un point de vue extérieur m’a ouvert les yeux. J’y ai vu une incroyable métaphore, pas seulement sur le Capitalisme qui achète tout mais sur ce qui se passe en Espagne.
Pour mes 2 précédents films j’avais tourné au Népal et en Bolivie et j’avais vraiment envie de faire un film en Espagne qui soit connecté à ce pays et à ce qui s’y passe. Donc Paul a décidé d’écrire une histoire autour d’un arbre mais qui traite également des racines, des valeurs, de la famille…
Je l’ai laissé écrire le scénario, car on ne peut rien lui dire quand il écrit (rires), il a suivi son instinct et a trouvé l’histoire seul. Bien sûr il me tenait au courant des avancées, me faisait lire le script, on en discutait, mais ce n’est pas un scénario à 4 mains. Mon travail a véritablement commencé après, au moment du casting. De la même manière, il m’a donné son opinion mais n’a jamais rien imposé. Chacun respecte les tâches de l’autre.
Votre précédent film “Même la pluie” avait un message écologique, tout comme L’olivier. Est-ce important pour vous d’ouvrir les yeux du public sur les problèmes écologiques ?
Je crois que le côté écologique vient plus de Paul, qui avait également écrit le scénario de Même la pluie. Depuis mon enfance j’ai vu beaucoup d’arbres être déracinés pour être replantés dans d’autres pays et ça ne m’avait jamais choqué. Grâce à Paul j’ai compris que ce n’était pas normal, et je crois que je n’aurais pas pu, de mon propre chef, décidé de faire ce film en parlant d’écologie. Bien entendu je m’inquiète pour le futur de notre planète mais ce film m’a permis d’ouvrir les yeux sur la destruction de la nature en Espagne qui est très importante. J’ai vu la côte méditerranéenne évoluer au fil des années.
Le film parle de l’importance des valeurs, hors de nos jours ce qui importe le plus ce sont les profits et l’argent. On est désormais conscients des problèmes écologiques, des changements climatiques, c’est donc encore plus irresponsable de continuer à se moquer de l’écologie. Je trouve ça dingue ! Je me demande si les politiciens ont des enfants et s’ils ne s’inquiètent pas de leur avenir. Ils ne sont pas conscients que poursuivre sur cette voie c’est du suicide ! C’est irresponsable.
Dans “L’Olivier” il y a un parrallèle entre l’arbre qui a été déraciné, l’état de grand-père et les problèmes familiaux. Comme si l’olivier et le grand-père était relié…
En effet il y a des gens qui vendent leurs arbres et qui s’en fichent, et d’autres – comme c’est le cas du grand-père d’Alma – qui sont traumatisés par ces déracinements. Et nous voulions parler de ces gens, ceux pour qui les valeurs et la nature sont importantes. En faisant des recherches Paul est tombé sur l’histoire d’un homme dont la famille avait vendu un olivier et qui avait fait une dépression.
C’est presque comme un conte, comme si la vie de cet homme était reliée à celle de l’arbre. Quand l’arbre disparaît son esprit s’en va également. Une fois que l’arbre n’est plus présent et que l’argent a été dépensé il ne reste plus rien. Quand on achète des choses on ne fait pas nécessairement attention à la manière dont ça va changer nos vies et celle des autres.
Le grand-père d’Alma fait une dépression de longue durée, c’est un état mélancolique dû à un manque qui ne sera plus jamais comblé.
Il y a un véritable message d’espoir dans le film. Pensez-vous que c’est la force des jeunes gens d’avoir de l’espoir et de croire en l’avenir malgré tout ?
Tout à fait ! Ils ont le droit d’être en colère, et je pense d’ailleurs qu’ils ne le sont pas assez… Il y a beaucoup de jeunes gens comme Alma, qui ont grandi avec la crise et ont vu leur entourage changer et souffrir de cette crise économique et de la corruption des politiciens. A leur place je serai très en colère.
Les jeunes essaient de faire évoluer les choses. Ils ne veulent pas simplement subir comme leurs aînés – à l’instar du père d’Alma dans le film. Mais les choses commencent à évoluer en Espagne, un parti comme Podemos réussi à faire de bons scores alors qu’il est récent. Il y a un vrai besoin de renouveau et de transparence. Les mêmes personnes ont menti au peuple depuis tellement longtemps qu’il est grand temps qu’ils laissent leur place.
Le film parle aussi du fait d’être une jeune femme de 20 ans en Espagne…
La vie est pleine de femmes fantastiques et je trouve que les films ne les représentent pas assez. En Espagne nous n’en voyons quasiment jamais au cinéma. Ca ne rend pas justice à la place qu’ont les femmes dans nos sociétés. On ne voit pas assez souvent de femmes de caractère au cinéma et encore moins de jeunes femmes, c’est en parti pour ça que j’ai souhaité qu’Alma soit telle qu’elle est. J’espère qu’on en verra plus à l’avenir.
Vous êtes également actrice mais vous vous faites de plus en plus rare sur grand écran, est-ce justement à cause des rôles offerts aux femmes qui ne sont pas assez représentatifs de la réalité ?
La réalisation me prend beaucoup de temps et j’ai aussi une famille du coup je n’ai plus beaucoup de temps à consacrer à mon métier de comédienne. Et puis il y a de formidables actrices espagnoles avec lesquelles j’aimerai beaucoup travailler et que j’aimerai plus voir au cinéma.
Mais si on me propose un rôle intéressant je suis ouverte aux propositions. C’est lorsque vous êtes face à la caméra que vous sentez véritablement être un artiste car c’est vraiment dur de se livrer.
Vos futurs projets ?
Paul Laverty et moi travaillons de nouveau ensemble sur un long métrage mais il vient de débuter l’écriture et il n’aime pas que j’en parle avant donc je respecte sa position. Et j’aimerai écrire un film moi-même, ça fait longtemps et ça me manque.
Vous avez tourné avec Ken Loach, un des maîtres du drame social britannique. Que pensez-vous du Brexit ?
C’est incroyable. Je pense qu’en allant voter les britanniques ne pensaient pas véritablement sortir de l’Union Européenne. Il y a eu une horrible campagne en faveur du Brexit basée sur la xénophobie, ils ont mis tous les problèmes sur le dos des immigrés et sur le dos du Gouvernement.
C’est triste parce que les gens qui ont voté « oui » obligent tous les autres à les suivre. Ils pensaient sûrement que la politique allait être moins austère après mais c’est l’inverse qui va se produire.
Brian Johnson et les politiciens pro-Brexit ont menti au peuple en lui promettant le retour à une Grande-Bretagne forte et riche. Je ne pense pas que quitter l’Union Européenne soit la solution aux problèmes, bien au contraire. Selon moi ils n’ont même pas de plan pour le futur c’est pour ça que Brian Johnson ne s’est pas présenté au poste de David Cameron. C’est irresponsable.
Je crois que les Anglais ont joué avec le feu en faisant ce référendum, le seul point « positif » c’est que désormais les autres pays vont être plus prudents avant de proposer des référendums.